La com’ de Valls et d’El Khomri dynamitée par le syndicat des cadres CFE-CGC

Dimanche 12 Juin 2016 à 10:10

Laurence Dequay

A deux jours d’une manifestation décisive, François Hommeril, le président du syndicat des cadres s’oppose aussi frontalement à l’inversion de la hiérarchie des normes. Le script imaginé par le gouvernement, opposant les “syndicats réformistes” aux “syndicats contestataires”, est plus que bancal.

Le script “syndicats réformistes” vs “syndicat contestataires” ne fonctionne plus – NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Depuis le début du conflit sur la loi Travail, le brief rue de Grenelle, soufflé par Matignon, était simple. D’un côté il y avait les syndicats « réformistes majoritaires » qui soutenaient son projet de loi « équilibré ». Et de l’autre les organisations contestataires, CGT en tête, qui exigeaient le retrait de ce texte, et de toute façon ne négocieraient jamais. Sauf que, en recevant le 9 juin François Hommeril, le tout nouveau président des cadres de la CFE-CGC élu le 1 juin, la ministre du Travail a accusé un grand moment de solitude.

Non seulement ce savoyard blond au caractère bien trempé lui a d’emblée réaffirmé l’opposition frontale de sa centrale à l’inversion de la hiérarchie des normes prévue dans l’article 2 de son texte, dont il demande le retrait – parce qu’elle alimenterait le dumping social en permettant aux entreprises de déroger aux accords de branche – mais il s’est également permis de lui démontrer comment, exemple à l’appui :

« Jusqu’ici les débats se focalisent sur la frontière sociale – patrons versus salariés –, explique Hommeril à Marianne. Dans la réalité, ai-je rappelé à Myriam el Khomri, la frontière économique la plus importante oppose les entreprises donneuses d’ordre aux sous-traitants. Or, dès si cette loi est votée, les premiers vont immédiatement exiger de leurs obligés des baisses de prix en arguant du fait qu’ils peuvent rogner sur le coût de leurs heures supplémentaires. Ou imposer unilatéralement des rémunérations au forfait à leurs  salariés (dans les boites de moins de 50 personnes, ndlr) Dans les services notamment, les pressions seront instantanées. »

>> [Interview] “Il y a bien une inversion de la hiérarchie des normes dans la loi Travail”

A l’appui de sa démonstration, le président de la CFE-CGC dissèque l’exemple des transports routiers. « Dans ce secteur, ce sont les patrons qui, anticipant ce risque de dumping, ont réclamé à Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat aux transports, la sanctuarisation par décret, d’une bonification de 25% des heures sup. C’est dire si eux sont conscient du danger de cette mise en concurrence sociale !»

Le script des syndicats réformistes vs syndicats contestataires ne fonctionne plus

Les experts de la CFE-CGC vont plus loin encore. En examinant, secteur par secteur, les conséquences possibles du texte à moyen terme, ils estiment qu’il pourrait booster aussi les délocalisations. « Nous représentons des cadres très bien formé qui lisent toutes les revues, argumente Hommeril. Or ils sont convaincus que toutes ces réformes d’inspiration néo-libérale n’ont aucun effet bénéfique sur le marché du travail, lequel rebondit actuellement grâce au regain de croissance

Conséquence, si elle n’obtient pas d’avancée sur ses propositions, la CFE-CGC qui ne manifeste pas le 14 juin, pourrait dès le 23, après réunion de ses instances, durcir sa position. Et réclamer cette fois, le retrait total de la loi travail. Ruinant définitivement le script mal ficelé du camp des syndicats réformistes…contre celui des indécrottables contestataires.

Myriam El Khomri qui, selon ses interlocuteurs, Hommeril comme Jean-Claude Mailly de Force Ouvrière, manifeste une envie sincère de les sortir du piège politique dans lequel les a enfermés Matignon à un an de la présidentielle, devra donc leur prouver rapidement qu’elle dispose aussi de marge de manœuvre. Notamment lorsqu’elle rencontrera enfin Philippe Martinez de la CGT…

 

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À l’issue d’un troisième et dernier recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, le projet de loi Travail – précisément intitulé “projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels” –  est considéré comme définitivement adopté, jeudi 21 juillet 2016, à l’Assemblée nationale, après qu’aucune motion de censure n’a été déposée.

Le texte sur lequel le gouvernement a une nouvelle fois engagé sa responsabilité est identique à celui adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée le 6 juillet dernier.

Depuis le début de son parcours législatif, il est passé de 53 à 123 articles.

Désormais, avant que la loi ne soit promulguée, le texte fera très probablement l’objet de saisines du Conseil constitutionnel.

Les Sages ont ensuite un mois pour faire connaître leur décision.

Si la loi est publiée au Journal officiel au mois d’août, débutera alors la phase d’écriture et de consultation sur les textes réglementaires, sachant que près de 130 décrets d’application sont nécessaires.

Parmi les mesures importantes concernant la santé-sécurité au travail :

La réforme de la médecine du travail : la visite médicale d’embauche est supprimée et remplacée par – sauf exception pour les postes à risque, notamment – une visite d’information et de prévention.

La réforme de l’inaptitude, qui a fait l’objet d’évolutions par rapport au texte en début de parcours législatif, sans que nous les ayons toutes rapportées. Nous y reviendrons en détail lorsque la loi sera publiée.

► La clarification de la prise en charge de l’expertise CHSCT par l’employeur, qui est actuellement dans un vide juridique.

► Le droit à la déconnexion et l'”adaptation du droit du travail à l’ère du numérique“. Mais aussi :

Le renforcement de la lutte contre le détachement illégal de travailleurs, avec notamment une obligation de vigilance pour les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre. Y figure aussi la possibilité pour l’autorité administrative, en cas de manquement qui serait sanctionné par une fermeture temporaire d’activité, de prononcer un arrêt de l’activité sur un autre site que celui dans lequel a été commis l’infraction ou le manquement.

► L’obligation de repérage de l’amiante avant travaux inscrite dans le code du travail.

► La ratification de l’ordonnance du 7 avril 2016.

► Une nouvelle architecture des règles en matière de durée du travail et des congés. Nous détaillerons toutes les autres dispositions touchant à la santé-sécurité au travail lorsque la loi sera publiée au Journal officiel.pour information

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Contribution de chercheur–‐e–‐s du Laboratoire d’économie et de Sociologie du Travail (LEST,CNRS)

au débat sur le projet de loi «Travail» 24 mars 2016

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CFE-CGC et loi Travail

Loi EL KHOMRI : La CFE-CGC propose une voie pour sortir du blocage.

Loi EL KHOMRI : La CFE-CGC propose une voie pour sortir du blocage.
Préparé sans concertation, ce projet de loi EL KHOMRI porte en lui toutes les raisons de la colère sociale. La CFE-CGC n’a pas varié dans son opposition au texte.
 
Véritable « catalogue » de mesures censées flexibiliser le marché du travail, cette loi n’aura aucun impact positif sur la compétitivité économique des entreprises.
 
Au contraire, l’introduction d’un principe (article2) d’inversion de la hiérarchie des normes ouvrirait sans limite le champ de la concurrence par le dumping social avec de lourdes conséquences sur l’emploi.
 
Pour autant, conformément à sa ligne, la CFE-CGC a participé au processus d’amendement parlementaire du projet de loi sans varier de son avis négatif initial, malgré quelques améliorations par endroit. Processus interrompu par l’utilisation du 49.3.
 
La tension sociale aujourd’hui est à son comble. L’urgence de sortir de la situation de blocage des positions n’a jamais été aussi forte.
 
La CFE-CGC appelle à la raison. Le processus parlementaire doit être suspendu et les articles relatifs à une inversion de la hiérarchie des normes renvoyés à la concertation sociale.
 
Le retour nécessaire à la concertation sociale sera possible à condition de cesser l’instrumentalisation d’un bloc sensé être réformiste contre un autre qui serait contre tout.
 
La CFE-CGC refuse la caricature des positions, rappelant que l’intelligence est toujours une option disponible pour ceux que la concorde sociale n’effraie pas.
 
La CFE-CGC veut donner une chance à la sortie de crise et comme pour les dates précédentes, n’appelle pas à manifester le 14 juin prochain.
 
Contact CFE-CGC François HOMMERIL président de la CFE-CGC – 06 62 00 50
lire:
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CFE-CGC Point sur la loi El Khomri

Lire
http://www.cfecgc.org/actualite/emploi/projet-de-loi-el-khomri-ou-en-est-on/